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Caroline Benguerel

Saint Mandé, le 5 septembre 2010

Chère Rini,

Je souhaitais vous exprimer le plaisir que j'éprouve à contempler votre tableau et j'ai pensé que le plus approprié était de vous l'écrire. Comme je vous l'ai dit, je ne pense avoir aucun talent artistique, mais j'aime écrire, cela m'aide à clarifier ma pensée et trouver le mot juste. Vous trouverez ci-dessous un petit essai concernant « Sunny Side ». Ce ne sera peut être pas le dernier. J'espère que vous le considérerez comme un hommage et qu'il remplacera par des mots votre tableau qui vit sa vie loin de vous. J'aurais plaisir à vous revoir et savoir ce que vous pensez de mon approche de votre tableau. Je pars en déplacement pendant deux semaines et essaierai de venir vous voir à mon retour pour prendre le thé comme nous l'avions évoqué.

A très bientôt

Bonne création

Sunny Side - Essai 1 -

Elle s'offre à la lumière qui éclaire l'arête de son visage et inonde son sein droit, son ventre et sa hanche droite. Sereine, nue, elle ferme les yeux tout au plaisir du rayon qui frappe son corps mince et souple. Le temps s'est arrêté. Rien ne trouble son plaisir, nulle allusion à l'environnement qui l'entoure, nul objet. Tournée langoureusement vers le soleil, en appui de ses deux mains elliptiques sur ce que l'on imaginé être un meuble, elle imprime une légère torsion à son buste faisant ressortir la courbure du bassin et la naissance de ses reins.

La tension du cou, la tête rejetée en arrière, les seins fragiles et pointus, les légères boucles qui s'échappent du chignon accentuent la sensualité de la pose, alors que le dessin impeccablement net, précis et sans repentir du visage, confère au profil le caractère aitïer et précieux des camées.

Au premier abord, nulle couleur. Le fusain a saisit le modèle sur le vif. Les contours du dos et des bras sont sculptés à grands traits alors que le ventre, le bassin, les poignets et les mains sont abandonnés dans l'inachevé du dessin comme dans un bloc de marbre dont ils seraient issus. L'attention du spectateur est conduite vers le visage et le buste hiératique du modèle, vus en légère contre plongée et dont l'humanité jaillit de la dissymétrie des seins, des plis du cou, des frêles clavicules. Toutes les nuances de l'ombre et de la lumière sont traduites en nuances de gris. La couleur cependant est là, délicate teinte ocre rehaussant le blanc du papier, adoucissant, le gris du fusain, figurant la carnation du modèle et la chaleur de l'instant ensoleillé. L'œuvre toute entière se trouve dynamisée par les traces apparentes des écoulements de la couleur qui viennent mourir sur le bord de la toile, traces ultimes de l'accouchement, point final du corps à corps de l'artiste et de son œuvre, mais également points de suspension et invitation au public à prendre le relai du créateur et à faire vivre son œuvre.

A très bientôt

Bonne création

Caroline Benguerel


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